Grandes entreprises : comment vous inspirer des start-up par J Giffard, J Masurel HBR
Les start-up fascinent. Leur agilité fait rêver les grands groupes, qui cherchent à maintenir leur capacité d’innovation. Alors quelle est leur formule magique et, surtout, peut-elle être reproduite ?
Une start-up est une organisation extrêmement agile qui cherche à répondre de façon innovante à une problématique qu’elle identifie. C’est bien cette agilité qui permet d’atteindre l’objectif plus sûrement et plus rapidement, en faisant évoluer son produit ou son modèle inlassablement jusqu’à trouver l’équation de la croissance. C’est ce qu’on appelle « le pivot », notion omniprésente dans l’univers des start-up. On est bien loin de l’ADN de certains grands groupes français.
Un modèle « customer inside »
Cette agilité provient en grande partie de la structure humaine de l’entreprise : une équipe réduite où la question de l’âge et du diplôme compte moins que l’engagement et les réelles compétences techniques et humaines, une équipe qui développe la culture de la prise de risque, et où la rapidité d’exécution et l’atteinte des objectifs sont les principaux critères de valorisation, une équipe où la ligne hiérarchique est la plus courte possible, et la communication permanente.
Mais cet engagement ne touche pas seulement les collaborateurs. La capacité d’une start-up à mobiliser et à engager tout un réseau (partenaires, clients, investisseurs, mentors, etc.) est un démultiplicateur de la dynamique et un facteur clé de succès du projet.
Les entrepreneurs ont surtout bien compris que toute l’énergie et l’agilité de l’organisation devaient être tournées vers le seul objectif d’une création de valeur pour les clients. Voici, là encore, une bonne source d’inspiration pour les leaders historiques. Si ces derniers évoluent souvent vers un modèle « customer-centric », ils ont un train de retard par rapport aux start-up qui, elles, sont « customer inside ». Elles intègrent le client au cœur du projet, dans l’ensemble des processus de création de valeur et du business model.
Ce sont toutes ces dimensions et la réussite exceptionnelle de certaines pépites qui ont, au cours de ces dernières années, dirigé le faisceau des projecteurs des grands groupes vers le monde des start-up.
Trois voies pour collaborer avec les start-up
Passés les premiers sentiments de mépris puis de peur de « l’uberisation », les leaders historiques sur leur marché cherchent aujourd’hui à intégrer ou à répliquer cette capacité d’innovation phénoménale qu’offrent les jeunes pousses.
Nombreuses sont les grandes entreprises à frapper à la porte des incubateurs dans le but de comprendre la formule magique de ces potentielles futures licornes, tel César cherchant la potion magique des irréductibles Gaulois : comment ces jeunes pousses arrivent, en un temps record et avec des moyens dérisoires, à conquérir ces nouveaux marchés où nos équipes opérationnelles se sont cassé les dents plus d’une fois ?
Plusieurs actions sont expérimentées, avec plus ou moins de succès :
1. Les acquisitions : lorsque le projet est mûrement réfléchi et correspond à un vrai projet industriel, le rachat d’une ou plusieurs start-up peut être une bonne façon de gagner du temps et des compétences sur un projet de développement. Malheureusement, l’objectif est trop souvent d’éliminer la menace en captant la technologie et le business d’un concurrent potentiel, ce qui aboutit rarement à une intégration réussie et à une réelle création de valeur.
2. L’investissement : 14 entreprises du CAC 40 ont un fonds de corporate ventures (citons Vivendi Village ou Ecomobilité Ventures créé par Total, Orange et la SNCF…) et de plus en plus investissent dans les start-up. Cette méthode a l’avantage de permettre de se rapprocher des entrepreneurs en leur offrant du financement, tout en leur laissant la liberté de poursuivre leur développement. L’inconvénient reste que le transfert de compétences est souvent limité et que les projets les plus prometteurs évitent ce genre d’alliances prématurées.
3. La collaboration : se rapprocher de l’innovation pour s’en inspirer. Plus de 15 entreprises du CAC 40 ont aujourd’hui un accélérateur ou incubateur interne (citons le BizLab d’Airbus, l’incubateur « Pour une meilleure énergie dans la ville » de GDF Suez ou encore le Star’inPost de La Poste) Certaines pratiques dérivées de collaboration consistent à excuber des projets dans des incubateurs tiers, ou encore à codévelopper des projets avec des start-up externes.
Du mythe à la réalité
D’une façon générale, la collaboration est une bonne pratique car elle permet, aussi bien au groupe qu’à la start-up, de progresser. Les équipes s’enrichissent des expertises mutuelles et des modes de fonctionnement différents. La mise en œuvre de ces dispositifs n’est cependant pas encore toujours couronnée de succès, l’alchimie ayant parfois du mal à prendre. L’exécution passe par une bonne maîtrise des écosystèmes, une vraie créativité pour s’adapter à chaque structure et des processus solides pour pérenniser les initiatives dans le temps.
Les grands groupes ont une vraie carte à jouer dans l’innovation car ils rassemblent plusieurs éléments critiques (qui manquent souvent cruellement aux start-up) comme les compétences et les expertises métiers fortes, les moyens financiers ou encore de larges réseaux de clients et de partenaires susceptibles de tester, de distribuer ou de soutenir une nouvelle offre. Il ne leur reste « plus qu’à » constituer un environnement et une culture propice à la créativité, à la prise de risque et donc à l’innovation.
Enfin, et peut-être au risque d’atténuer un peu la magie des start-ups, il ne faut pas oublier, et cela vaut notamment pour les comités de direction, qui sont souvent pressés de voir fleurir les prochaines révolutions technologiques au sein de leurs départements, que les success stories aussi impressionnantes que celles de Criteo ou de Blablacar restent des projets qui ont demandé de la persévérance et du temps – plus de 10 ans (lire aussi l’article : « L’atout d’une start-up peut-il devenir son point faible ? »). Il est donc primordial qu’ils considèrent, sur le long terme, les dispositifs d’innovation à mettre en place dans leur propre organisation.