Sale temps pour les certitudes ! par JM Philipon
« Les certitudes ne sont plus de ce monde, j’en suis certain ! »
La complexité fait partie intégrante de notre quotidien dans l’entreprise, avec son lot d’incertitudes et d’ambiguïtés.
Changer de regard
Depuis trop longtemps maintenant nous étudions notre monde du travail avec des approches analytiques et linéaires. Or le nouveau monde, qui est déjà le nôtre, ne peut pas se comprendre avec les approches qui nous ont permis de gérer l’ancien monde. Pour le voir, le comprendre, l’analyser et en devenir acteurs, nous devons nous aussi changer, au risque de passer à côté et de devenir spectateurs de nos échecs.
Nous avons toujours construit notre réalité du travail et plus particulièrement celle du management par le biais d’une pensée linéaire, allant des causes aux effets et des effets aux causes. Cette pensée linéaire a pour bénéfice d’être très cartésienne, donc facilement compréhensible par les esprits formés à la structuration et à l’organisation des choses, comme peuvent l’être les managers. Cette pensée possède également un avantage certain et très rassurant, celle d’être prédictive. Nous sommes depuis des années dans la zone de confort de ce que l’on appelle le déterminisme.
Le souci aujourd’hui c’est que le déterminisme qui fonctionnait bien dans le monde compliqué d’hier, ne fonctionne plus du tout dans le monde complexe d’aujourd’hui. Ce monde est rempli de changements imprévisibles, d’instabilités incessantes et d’une nécessité vitale à réinventer en permanence nos offres et nos process. Face à cette complexité nous devons sortir de notre zone de confort du déterminisme pour aller vers l’approche systémique.
L’approche systémique
Cette dernière consiste à passer d’un regard déterministe et donc de causes à effets prédictibles, à un regard où les causes et les effets ne sont que des phénomènes en interaction et en interdépendance, étant chacun à la fois et à tour de rôle, causes et effets. Ce nouveau regard ne permet pas de prédire avec exactitude et certitude la réalité complexe d’un écosystème, mais il permet de mieux la comprendre pour mieux agir. Cette approche systémique permet également par les boucles de rétroaction qu’elle génère d’apprendre en permanence sur le fonctionnement de l’écosystème.
En effet, à chaque action ou modification effectuée dans l’écosystème, celui-ci va renvoyer une nouvelle information concernant son propre fonctionnement. Ce qui signifie que l’approche systémique donne de plus en plus d’informations pertinentes sur l’écosystème, au fur et à mesure des essais, des erreurs et des ajustements, issus des boucles de rétroaction.
Intelligence collective et coopérative.
Afin de gérer au mieux cette complexité, les outils d’intelligence collective et d’intelligence coopérative sont incontournables.
Les premières étapes de l’introduction de l’intelligence coopérative dans un écosystème ne peuvent qu’augmenter le niveau de complexité, ou du moins la perception de la complexité par les acteurs de l’écosystème. Mettre en œuvre l’intelligence coopérative apporte aussi son lot d’incertitudes et d’ambiguïtés. Qu’est-ce que cela va donner de plus ou de moins ? En a-t-on vraiment besoin ? Est-ce que cela va réussir ? Comment je vais prendre ma place dans cette nouvelle façon de travailler ?
Autant de questions et d’incertitudes. On y arrive déjà difficilement dans un cadre très structuré, comment va-t-on faire dans un cadre ouvert ? La compétition règne partout comme règle de survie et de progrès, pourquoi la coopération dans notre équipe serait plus profitable ? Si ça ne marche pas, comment reviendrons-nous en arrière ? Autant de questions ambiguës. La mise en œuvre de l’intelligence collective ne peut pas se concevoir de la même manière dont nous analysons le management actuel.
La mise en œuvre de l’intelligence coopérative au sein d’un écosystème complexe ne peut se faire que par un regard systémique sur lui-même. Cela va indubitablement générer des difficultés, des erreurs et même des oppositions voire des sabotages, qui seront les premières opportunités à agir en intelligence coopérative.
Si nous devons avoir une certitude pour notre management de demain, c’est bien celle que face à la complexité et son lot d’incertitudes, seules l’intelligence collective et l’intelligence coopérative peuvent nous permettre d’appréhender de manière efficiente ce nouveau monde qui s’ouvre à nous. L’ancien monde est mort, osons l’intelligence collective et l’intelligence coopérative !
Extrait de mon dernier ouvrage : « La nouvelle vie des managers « aux éditions Géréso«