Transformation digitale : oubliez un peu les outils et concentrez-vous sur la culture ! par MC Lanne

La transformation digitale d’une entreprise ne dépend ni des outils, ni de la nomination d’une personne dédiée. C’est avant tout une question d’acculturation globale de l’entreprise, d’humain, une fois de plus !

S’il est un concept qui noircit à longueur de temps les agendas des comités de direction des entreprises (comme des administrations d’ailleurs), c’est celui de la transformation digitale.

Comment évoluer et s’adapter à cette lame de fond numérique qui a renversé la table en l’espace de quelques années entre l’ancien monde sagement codifié et le nouveau monde où la connectivité est permanente, la vitesse le mot d’ordre et l’agilité la posture.

Nombreuses sont les organisations à s’être attelées à la tâche pour ne pas sombrer ou perdre du terrain, mais en confondant souvent les priorités et les illusions. Et si l’humain et la culture étaient d’abord les clés de toute transformation digitale effective ?

Le syndrome de la boîte à outils

Le premier réflexe des dirigeants pour poser les rails de la transformation digitale au sein de leur organisation, a été de spontanément recourir au syndrome de la boîte à outils.

Un problème de communication interne et de collaboration entre salariés ? Vite, développons et déployons un réseau social d’entreprise et les silos ne tarderont pas à voler en éclats.

Des ratés dans la gestion des requêtes de consommateurs ? Aucun souci ! Ouvrons un service après-vente sur Twitter ou mieux et plus à la mode, lançons des chatbots sur notre site web qui vont aplanir les contentieux et au passage permettre de réduire la surface de coûteux centres d’appels.

Les clients sont volatiles ? Facile. Installons à tour de bras des logiciels de Marketing Automation et Social Selling pour retenir cet acheteur si capricieux. Et l’on pourrait ainsi multiplier à l’envi ce genre d’exemples dans quasiment toutes les facettes que recouvre une entreprise ou une administration.

Si ce réflexe a fait la fortune de certains éditeurs de solutions informatiques et de plateformes, la soupe à la grimace a souvent été au rendez-vous quelque temps plus tard.

Le flop des réseaux sociaux d’entreprise

Les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) sont une illustration (mais pas la seule !) de cette vision purement « technologiste ». En 2017, 58% des grandes entreprises françaises avaient déjà franchi le pas et 26% s’y préparaient à brève échéance.

Avec comme objectifs premiers selon une enquête du Journal du CRM – citée par La Tribuneen mai 2017 – de (1) « transformer les comportements », « dématérialiser les process RH », « favoriser la communication » et « libérer les énergies créatrices dans l’entreprise ».

Malgré les budgets conséquents investis, les objectifs décrits ci-dessus sont loin d’être atteints. La fréquentation des RSE est très faible (2) : seuls 25% des managers, pour 17% des salariés au total, se servent de l’outil.

Plus préoccupant encore (3) : 48% des salariés interrogés n’accordent « aucune confiance » aux réseaux sociaux d’entreprise, tant en matière de légitimité que d’efficacité, et 29% sont carrément réfractaires. Ils préfèrent la relation directe avec leur manager et leurs collègues, car les codes sociaux sont déjà établis et stables.

Et de s’apercevoir au final que c’est le facteur humain qui constitue sans nul doute la clé de voute de l’édifice de la transformation digitale.

Pourtant, lorsqu’on entreprend des travaux de rénovation d’une habitation, se précipite-t-on d’abord dans les rayons bricolage et matériaux des grandes enseignes pour ensuite modifier une pièce ou refaire une installation ? Evidemment que non ! Un projet se nourrit d’abord avec une réflexion, des comparaisons, du recueil d’informations, voire des formations ad hoc pour ensuite sélectionner les outils qui correspondent le mieux au résultat visé.

Le Chief Digital Officer, couteau suisse ou paratonnerre ?

Face à ces blocages ou ralentissements humains dans les différentes strates de l’entreprise, d’aucuns ont eu l’idée de s’adjoindre une toute nouvelle fonction pour conduire à bien la transformation digitale : le Chief Digital Officer.

C’est ainsi que le poste a commencé à essaimer dans les organigrammes des comités de direction. Selon plusieurs récents baromètres, 80% des entreprises du CAC 40 disposent déjà ou devraient disposer sous peu de leur CDO pour aider et accompagner l’entreprise dans sa mue numérique. D’après les derniers recensements du CDO Club, les effectifs de ceux-ci  n’ont cessé de bondir, y compris dans des structures de taille moindre mais tout autant soucieuses d’accomplir cette transformation digitale.

Pourtant, là aussi, le CDO est souvent à la peine, même si quelques-uns ont de véritables success stories à leur crédit. Si brillant et agile soit-il (et beaucoup le sont, à la lecture des interviews des CDO qui sont publiées dans la presse), le CDO peut-il vraiment incarner à lui seul (et ses équipes) le catalyseur digital qui doit décorseter les métiers, faire évoluer les cultures et les reformater face aux défis qu’implique le digital ?

Comme pour les logiciels censés tout résoudre dans une organisation, la frénésie qui règne encore autour de la fonction du CDO tend à faire de celui-ci à la fois le maçon, l’électricien, l’architecte, le plombier, le couvreur, le peintre, le jardinier, le décorateur, le chauffagiste, etc. Comment est-ce humainement et techniquement possible ?

Un CDO ne peut pas prétendre mener de front des transformations digitales où les problématiques métiers varient grandement. Où technicité, enjeux et culture d’entreprise ne sont pas uniformes. Le CDO risque même servir de paratonnerre, de défouloir ou de bouc émissaire à force d’essayer de faire bouger les lignes et d’ouvrir les esprits.

Replacer humain et culture au cœur

L’humain reste la clé de voute de toute transformation digitale. L’oublier, c’est prendre le risque de tomber dans le « syndrome de la poule qui trouve un couteau ». Quelle peut être l’utilité d’un couteau pour celle qui n’a pas de main pour s’en saisir ? C’est le réflexe que les réfractaires au digital peuvent avoir.

Commençons donc par leur faire entrevoir que « le digital » n’est pas un but en soi mais un moyen au service d’objectifs précis liés à la réalité et aux enjeux spécifiques de chaque entreprise. Démystifier, apprendre que « tout ne sert pas à tout » dans « le digital », expliquer que ces usages-là ne sont pas une mode mais une lame de fond. Qui a installé un monde parallèle au monde réel, dans lequel il se passe aussi de vraies choses.

Nos ados eux, ne sont jamais posé cette question. Ils ont grandi avec ces appendices digitaux en main. Mais ce sont eux les clients de demain pour toutes les entreprises. Il faut donc se mettre au diapason de ce monde dual, digital ET réel qui est désormais notre horizon à tous. Et adapter nos usages à l’intérieur de l’entreprise pour éviter le plus possible les décalages entre usages pros et persos.

A notre humble sens, les entreprises devraient plus s’appuyer sur quatre fonctions essentielles pour enclencher cette fameuse transformation digitale avec des équipes projet dédiées et déjà quelque peu au fait du monde digital et des disruptions qu’il engendre : la communication, les ressources humaines et formation, le marketing-commercial tout en s’appuyant sur les systèmes d’information, bien entendu.

Pourquoi ces quatre-là ? Simplement parce qu’elles sont celles qui sont le plus souvent à la croisée de tous les autres métiers de l’entreprise. C’est par elles que doit passer cette transformation digitale, pour former les dirigeants comme leurs équipes et cesser de penser que la transformation digitale se réduit au champ des outils ou d’une fonction en particulier.

La transformation digitale est d’abord une affaire d’humain et de culture. On ne pratique bien que ce que l’on connaît bien. Il est essentiel d’accorder un temps à l’acculturation des équipes sur ce qu’est le digital en particulier, les nouveaux paradigmes, usages et exigences qu’il implique, mais aussi les intérêts que chacun peut en retirer dans l’exercice de sa profession et dans son évolution de carrière.

C’est certes un chantier de conduite du changement des mentalités plus long que la mise à jour d’outils informatiques (quoi que !) mais il est incontournable. Comment espérer sinon qu’une transformation digitale s’opère si ceux qui vont la porter et la vivre au quotidien ne sont pas préalablement sensibilisés, initiés et intéressés ?

Cas d’étude : We, Digital#All de Generali France

C’est dans cette optique que Generali a choisi d’aborder et de réaliser sa propre transformation digitale dans un monde de l’assurance en profonde mutation.

Pour s’en convaincre, il suffit d’ailleurs d’aller naviguer sur le site de curation « Assurances du Futur » de Jean-Claude Sudre (4). Lui-même issu du secteur, il est devenu il y a cinq ans responsable innovation et transformation digitale au sein de la Mutuelle Générale. Il sait parfaitement que sans un minimum d’évangélisation digitale auprès des équipes, la transformation ne peut s’enclencher correctement. Le concours humain est fondamental.

Chez Generali France, on en est également convaincu. Si l’adhésion et l’implication progressives des collaborateurs sur les questions digitales ne sont pas intégrées comme objectif fondamental, la transformation digitale peut vite devenir un vœu pieu.

Former et associer crescendo les salariés pour acquérir cette indispensable culture digitale et s’y mouvoir ensuite avec pertinence a donc été la pierre angulaire du programme We, Digit#All de Generali France initié en 2016.

Ce programme, co-construit par l’Académie Generali France (département Formation – DRH) et l’équipe culture digitale (au sein de la direction de la Communication), a donné naissance à une plateforme en ligne.

Composée d’une digithèque (centre de ressources pédagogiques) et d’un digital assessment ouvert aux collaborateurs entre juin 2016 et mars au lancement du programme, cette plateforme donne également accès aux modules de formation.

Celle-ci est composée de six modules pédagogiques traitant de sujets aussi divers que le référencement naturel, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle, l’internet des objets, avec au passage les initiatives de Generali dans ces différents domaines.

Les apprentissages en ligne se sont accompagnés d’une série d’événements internes pour favoriser les échanges. Le programme s’est déployé tout au long de 2017 avec en point d’orgue le 13 février dernier, la remise du « Certificat Digital Assurance » aux 100 premiers collaborateurs ayant accompli la formation.

Un programme pionnier dans le secteur qui est en plus certifié par la Fédération Française des Assurances. A l’heure actuelle, Generali France compte déjà plus de 60% de collaborateurs actifs dont 1000 collaborateurs détenteurs du certificat sur un effectif total de 7000 personnes.

Forts de cette culture digitale acquise, ceux-ci peuvent alors contribuer aux différents projets de transformation digitale qui se déroulent dans toutes les branches de l’entreprise. Avec un objectif de fond au final : 100% des salariés certifiés d’ici fin 2018 car il ne faut laisser personne sur le « côté de la route numérique ».

Il reste donc encore du chemin à parcourir mais gageons sur l’effet d’entrainement pour qu’il soit réalisé. Les managers auront un rôle décisif pour convaincre les derniers réfractaires en fin de parcours. Qui a dit que la transformation digitale pouvait s’affranchir de l’humain et de la culture ?

Source : http://www.eclaireursdelacom.fr/transformation-digitale-oubliez-un-peu-les-outils-et-concentrez-vous-sur-la-culture/