Paradoxes de la transformation managériale par N Cordier
Sommes-nous en crise ? La « sortie de crise » si souvent annoncée est-elle proche ? Non, nous sommes dans un monde en plein bouleversement, de plus en plus complexe et qui se transforme rapidement. Face à ces profondes mutations, toutes les organisations doivent relever le défi de leur propre réinvention. Une évidence – pas toujours partagée – s’impose : nous ne ferons pas dans les années à venir nos métiers tel que nous les avons pratiqués depuis quelques décennies.
Au niveau des entreprises, l’avènement du numérique, des réseaux sociaux et du phénomène d’ubérisation soulignent la fragilité d’institutions qui semblaient jusque-là éternelles… Le rôle du « cadre » dans l’entreprise en est profondément modifié. A la fois de moins en moins encadrant, devant donner un cadre tout en devant sortir du cadre…
Sans évolution majeure depuis un siècle, les modes d’organisation et les pratiques de management ont atteint leurs limites. Le désengagement progresse au détriment de la performance et du bonheur des collaborateurs. Le schéma majoritaire semble reposer encore souvent sur quelques sachants – les cadres – qui déterminent les grandes orientations et disent ce qu’il faut faire à des exécutants – agents qui ne maîtrisent plus rien.
Internet, les réseaux sociaux et les pratiques collaboratives ont accéléré les phénomènes de porosité entre les différents services de l’entreprise et son environnement. Le travail en réseau modifie profondément les organisations où les cadres cherchent encore trop souvent à « organiser l’inorganisable » car, par nature, un réseau ne s’organise pas, il ne peut que se coordonner. Le modèle pyramidal contrôlant a priori des éléments cloisonnés doit aujourd’hui faire place à la coordination en temps réel de réseaux de collaboration décentralisés. C’est une révolution organisationnelle !
Un impératif : libérer les énergies
Face à l’impérieux besoin de réinvention des métiers de l’entreprise, l’implication de tous les collaborateurs est plus que jamais nécessaire. Il faut libérer les énergies et faciliter l’émergence des idées parmi les acteurs. Halte à la « double vie » des salariés : adultes responsables dans leur vie privée et infantilisés au travail ! L’engagement et la responsabilité dont font preuve les femmes et les hommes de nos organisations dans leur vie privée doivent nous rassurer sur cette énergie créative latente qui ne demande qu’à s’exprimer pour contribuer à faire prendre à temps les virages qui s’imposent.
De donneur d’ordres à jardinier de l’écosystème
Le « courage du lâcher-prise » devient ainsi la qualité essentielle du manager pour changer de rôle et miser sur la responsabilité et la créativité de chaque collaborateur. Moins encadrant, il doit prioritairement veiller à créer les conditions du déploiement de chaque collaborateur. De même qu’on ne fait pas grandir une fleur en lui tirant dessus, il s’agit d’être le jardinier qui veille à ce que le terreau de la croissance soit optimal.
Fixer un cap, le nouveau cadre à donner
Face à l’incertitude d’un contexte très mouvant, les boussoles traditionnelles ne permettent plus de garder le cap. La feuille de route de l’entreprise doit être guidée par une vision de long terme, une raison d’être évolutive. Cela requiert là-aussi d’un profond renouvellement du leadership. Le manager doit être le porte-parole d’une vision inspirante pour mieux répondre à la quête de sens individuelle et à l’envie d’engagement, de liberté et de responsabilité de chaque collaborateur.
Oser renoncer au confort de la dictature du court terme
C’est le symptôme le plus visible de l’inadéquation du management aux évolutions du travail : les agendas sont devenus fous ! Pourtant l’écoute des signaux faibles et la proximité managériale sont essentielles. Cela requiert d’avoir de la « bande passante disponible » c’est-à-dire du temps matériel et de l’espace intérieur. Même si garder la tête dans le guidon peut sembler rassurant quand l’horizon est bouché, ouvrir de nouveaux possibles pour l’entreprise requiert de sortir du connu. Les cadres doivent passer de “l’egosystème” à l’écosystème pour réinventer leur avenir.
« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » disait Gandhi, une invitation à oser aller à contre courant à partir d’un cadre personnel et intérieur…
Cet article reprend un édito que m’avait demandé Expectra (groupe Randstad) pour sa newsletter envoyée à 200.000 décideurs RH en France : > voir ici et publié également sur mon blog avec quelques liens et diversions supplémentaires…