Au-delà de la technologie : penser l’API comme un produit par R Lalanne

J’ai participé cette semaine à une table-ronde de l’EBG sur les API. A cette occasion, un livre blanc a été publié pour consolider toutes les bonnes pratiques : transition numérique et API, écosystème de partenaires et Open Innovation, design d’API et expérience développeurs…

On perçoit bien que ce n’est plus un sujet à réserver aux entreprises nativement digitales et aux pure players. Toutes les entreprises sont concernées. Et ce n’est plus un sujet uniquement technologique puisque les API transforment le marketing, initient de nouveaux modèles économiques et dynamisent l’innovation. L’API devient donc un véritable produit avec sa proposition de valeur, ses fonctionnalités, son cycle de vie et surtout ses utilisateurs.

Côté SNCF, une API des trains a été ouverte en juin 2015. Deux ans après cette ouverture, voici quelques retours d’expérience qui confortent le positionnement de l’API comme produit.

Les API modifient l’équation de l’audience

Les API augmentent l’audience globale d’une entreprise. Elles permettent d’exposer des informations et des services numériques sur de nouveaux canaux maîtrisés par l’entreprise (web et mobile) mais aussi portés par des partenaires. Et c’est là tout l’intérêt des API : loin de concurrencer les canaux existants, elles viennent au contraire amplifier l’audience globale en activant des nouveaux usages non adressés jusqu’alors.

Prenons l’exemple du groupe SNCF. L’enjeu de l’entreprise est de développer une offre complète autour des mobilités partagées : le train évidemment, mais aussi le bus, le covoiturage, la voiture partagée… Mais quand on sait que 80 % des déplacements se font en voiture individuelle, on comprend l’intérêt d’exposer sur de nouveaux canaux les informations sur les mobilités partagées. L’ouverture d’API vient notamment porter cette ambition pour une meilleure équation de l’audience.

Les API permettent d’atteindre des « poches d’innovation »

Je parlais juste avant de ces nouveaux usages que l’entreprise n’adresse pas. Il s’agit plus particulièrement de « poches d’innovation » qui ne sont pas activées, faute de pourvoir s’appuyer sur les socles technologiques que sont les API. Mais une fois ouverte, les API permettent d’activer un écosystème de partenaires en croisant socle technologique et force entrepreneuriale. Il s’agit d’un modèle d’innovation par sur-traitance, bien décrit par Nicolas Colin et Henri Verdier, et qui est l’un des moteurs de l’économie numérique.

Dans le cas de SNCF, l’API des trains nous a permis d’activer de nombreuses poches d’innovation qui sont autant de nouveaux points de contact avec les clients : chatbot et interface conversationnelle, écran dans des lieux touristiques et tertiaires, robotique en gare, domotique, comparateur de produits de voyages, articulation avec d’autres mobilité. Un exemple intéressant est celui des taxis et VTC, qui ont besoin des horaires temps réel des trains pour optimiser leurs opérations proches des gares.

Expérience développeurs et gestion du cycle de vie de l’API

Publier une API est une chose. La maintenir en intégrant les bonnes pratiques de design d’API en est une autre. Sur ce point, pas de mystère : il faut miser sur l’amélioration continue en partant des remontées des utilisateurs. L’ouverture d’API se rapproche en ce sens des principes de l’Open Source.

L’API SNCF s’appuie justement sur une technologie éprouvée et ouverte en Open Source. Il s’agit de « Navitia », un moteur de calcul d’itinéraire développé par Kisio Digital et qui motorise d’autres plateformes, notamment l’API multimodale Navitia.io. Les équipes qui ont construit ce socle technologique ont acquis une expertise forte en termes d’algorithmie de calcul d’itinéraire et connaissance des écosystèmes de développeurs. Cela permet de proposer une API robuste mais simple d’usage pour les développeurs qui peuvent accéder au calcul d’itinéraire, aux prochains arrêts en gare ou aux horaires d’une ligne de train en particulier.

Mesure de l’impact : se concentrer sur un nombre limité d’indicateurs

La mesure de l’impact des projets digitaux est un sujet complexe. Entre les indicateurs quantitatifs et qualitatifs, pas simple de s’y retrouver – d’autant plus que les projets digitaux nécessitent de passer à l’échelle avant de générer de la valeur. Pour les API, on constate une spécificité supplémentaire puisqu’il y a toujours un temps d’adoption devant être accompagné par des actions d’animation.

Plusieurs indicateurs sont mobilisables pour un producteur d’API, même s’il faut se concentrer sur un nombre limité selon la stratégie adoptée. Le nombre d’utilisateurs ou le nombre d’appels sont intéressants pour mesurer l’impact des actions de promotion de l’API et illustrer une dynamique d’ensemble. L’annonce de la sortie du temps réel dans l’API SNCF s’est ainsi traduite par un pic très important d’inscriptions. Reste que ces indicateurs donnent peu d’informations sur la génération réelle de cas d’usage. Sur ce point, il est préférable de partir du nombre d’utilisateurs actifs. Enfin, l’indicateur le plus puissant reste le nombre d’applications et services générés par l’API, surtout quand ces créations sont documentées sur une plateforme développeurs.

Source : https://www.linkedin.com/pulse/au-del%C3%A0-de-la-technologie-penser-lapi-comme-un-produit-romain-lalanne/?trackingId=xDkFf1mSieFkZbMc%2Bc8zVw%3D%3D