L’open Innovation : pourquoi, avec qui, comment ? par D Scalia

L’open innovation est comme une maison, construite sur du sable elle s’écroule

Le bouleversement radical et irréversible des fondamentaux auquel font face les entreprises traditionnelles pourrait les inciter à vouloir tout faire et trop rapidement ou bien cacher leur immobilisme sous un vernis de modernité : ces deux options à moyen terme sont nocives. L’open innovation nécessite d’une entreprise qu’elle adapte sa propre culture, sa relation avec ses clients et ses technologies. Tous ses métiers et toutes ses fonctions sont concernés également.

Une open-innovation réussie passe tout d’abord par une prise en compte des impératifs de la transformation numérique qui vise à connecter l’entreprise aux nouvelles opportunités offertes par les prestataires notamment les start-ups.

Mais tout d’abord, une entreprise de grande taille ne doit pas oublier que sa croissance consiste à garder ses clients historiques tout en cherchant de nouveaux, et cela passe par sa capacité de bénéficier d’un marketing et d’une communication adaptés aux bouleversements que provoque la révolution numérique. C’est là que le Marcom (Marketing et communication) prend toute son importance.

Le Marcom, quand innover devient crucial pour atteindre le consommateur final

Marcom est un néologisme qui désigne à la fois le domaine de la communication et celui du marketing des prestations jusqu’aux points de contacts consommateurs. Il est à la croisée de deux nécessités pour les grandes structures en quête de solutions innovantes : le marketing, comment et à qui vendre un produit ou une offre de services et la communication, comment les présenter au consommateur final et se démarquer de la concurrence.

Le marché de la communication représente en France un peu moins de 40 Mds € et a ceci de particulier qu’il est très dichotomique, partagé entre 700 annonceurs/donneurs d’ordres représentant 90% des investissements et 40 000 entreprises prestataires réparties entre cinq grands pôles d’activités (industries, agences, médias, événementiels et numériques).

La communication notamment le marché publicitaire connaît un bouleversement majeur qui concerne autant les supports que les métiers qui évoluent ou disparaissent au profit de nouveaux. Le marketing n’est pas en reste et il suffit de parler du Big Data et des GAFAMA (Google, Apple, Facebook, AMazon, Ali Baba) pour comprendre l’importance des enjeux.

Cette révolution passe par la transformation numérique des entreprises et le paradoxe français réside dans l’activité bouillonnante des start-ups hexagonales face au retard pris par les entreprises françaises aux modèles « classiques ».

La transformation numérique d’une entreprise, mais à quoi va-t-elle lui servir ?

La transformation numérique d’une entreprise de grande taille n’est ni plus ni moins qu’un ensemble de leviers qui vont répondre à plusieurs de ses problématiques s’ils sont actionnés dans le bon ordre. Mais se transformer est pour quoi faire finalement ?

– Pour innover. Plusieurs dizaines de milliers de brevets sont déposés chaque année dans le monde et beaucoup concernent des innovations en matière de communication et marketing digitaux. Prendre du retard dans sa transformation numérique, c’est tout simplement se priver de l’opportunité de faire appel à ces innovations.

– Pour proposer de nouvelles offres. Le numérique accélère, simplifie et amplifie les offres traditionnelles mais aussi permet d’en proposer de nouvelles jusqu’ici impensables via les vecteurs classiques. E-shop interactif, assistance aux personnes, intelligence artificielle, réalité augmentée, media personnalisé, messagerie responsive… Les possibilités sont infinies et nombre d’outils que nous utiliserons d’ici cinq ans à peine n’en sont même pas au stade de projet.

– Pour optimiser les process et améliorer la productivité. La dématérialisation et le traitement des informations induites par la transformation numérique permettent à une grande entreprise d’aller plus vite, de mieux coordonner ses différents services, de proposer des formations plus adaptées aux collaborateurs et d’en recruter de nouveaux qui puissent répondre aux enjeux à venir. Le partage d’informations permit par le numérique améliore la transmission des savoir-faire et évite la répétition des mêmes erreurs par une meilleure analyse des retours d’expérience.

– Pour soutenir la croissance de l’entreprise. Le monde des affaires est encore plus rapide et plus global. Le numérique permet de travailler aussi bien avec un fournisseur local qu’avec un autre implanté à Singapour. La croissance d’une entreprise dépend de sa capacité à s’adapter en temps réel aux demandes de ses consommateurs mais aussi à prévoir leurs futurs besoins. Ce travail de veille n’est rendu possible que si l’entreprise est à même de se connecter au monde.

– Pour dynamiser l’image de l’entreprise. Le savoir-faire est le seul gage de succès d’une entreprise auprès de ses clients dans la continuité mais le faire-savoir est un tremplin à ne pas négliger. Parce que tout ou presque est sujet à des phénomènes de mode et que les informations, bonnes ou mauvaises, se répandent à travers le net à la vitesse de l’éclair, les grandes entreprises se doivent de renvoyer d’elles-mêmes une image à la fois sérieuse et moderne et de communiquer sur leurs réalisations et leur écosystème au travers de tous les supports numériques (réseaux sociaux, blogs, sites spécialisés, vidéos, visioconférences, pitchs etc.).

L’open-innovation exige une véritable implication à tous les niveaux

Avant d’envisager toute open-innovation, une grande entreprise doit se confronter à l’univers des entreprises innovantes très complexe, diversifié et pas toujours explicite. Il s’agit pour elle de s’assurer de bénéficier d’un sourcing de qualité qui soit mis à jour régulièrement et segmenté en adéquation avec ses besoins et ses objectifs. Ces derniers consistent le plus souvent à favoriser la créativité et l’agilité, intégrer la culture digitale et les tendances innovantes, générer de la performance économique, innover avec des écosystèmes élargis, repenser le cœur des actions marketing/communication.

Toute collaboration entre une grande entreprises et des start-ups doit répondre à des raisons stratégiques avec des indicateurs de choix des start-ups et des critères d’évaluation des « pilote/ poc » précis. C’est le grand groupe, une fois sa ligne stratégique décidée, qui doit battre la mesure et pas les start-ups. Ensuite, il ne suffit pas seulement de développer des solutions communes encore faut-il qu’elles soient déployées rapidement, en accélération constante (mode « pace up ») et qu’elles puissent rentrer rapidement dans une phase d’expérimentation avec des indicateurs précis et mesurables.

Un modèle de partenariat vertueux entre une entreprise de grande taille et des start-up est avant tout celui qui fixe un cap partagé par toutes les parties et qui leur apporte un bénéfice mesurable. Un grand groupe ou une ETI ne doit engager un partenariat que s’il a du sens et une utilité dans sa chaîne de valeur. Non seulement, il se rend service mais il contribue à la croissance de ses partenaires en leur apportant des perspectives de développement à plus long terme qu’un simple projet commun. Ils n’en seront que plus motivés pour accompagner leur « mentor » et grandir avec lui.

L’Open-innovation par une grande entreprise : c’est d’abord un changement culturel

L’Open-innovation réussie passe par un comité directeur convaincu par les bénéfices qu’elle va apporter afin d’impulser une dynamique (organisation horizontale, sessions de pitchs, learning expeditions, events etc.) qui soit ressentie comme un objectif majeur par l’ensemble de collaborateurs notamment ceux des périmètres marketing et communication. Ces derniers mobilisent à leur tour les collaborateurs terrain qui communiquent en réseau sur leur expérience avec les entreprises innovantes. Travailler avec une start-up ne va pas de soi pour une grande structure car elle doit comprendre qu’elle va devoir expérimenter, échouer puis recommencer.

La première étape consiste à veiller à l’acculturation de l’ensemble des collaborateurs aux enjeux de la transformation numérique et de l’open-innovation. Il ne s’agit pas ensuite de chercher à innover dans toutes les directions, encore faut-il identifier les enjeux à relever en priorité et les vecteurs à privilégier. Une fois la première impulsion donnée et les priorités définies, il s’agit de procéder au sourcing des start-ups en rapport avec la recherche de l’entreprise.

L’Open-innovation, du contact, du contact toujours du contact

Il faut tout d’abord « ratisser large », on parle de centaines de contacts, pour identifier le maximum de partenaires potentiels. Les ressources internes de l’entreprise doivent nécessairement contribuer à ce sourcing pour constituer leur propre réseau mais elles seront sans doute insuffisantes ou tout simplement pas toujours disponibles. Aussi faut-il combiner les sources en passant par des fonds d’investissement qu’ils soient publics ou privés, des événementiels, des cabinets spécialisés, etc.). Chaque rencontre doit faire l’objet d’un retour d’expérience à destination de l’ensemble des contributeurs afin de capter les bonnes informations et préparer la phase suivante : la qualification.

Séparer le bon grain de l’ivraie : la qualification

Une fois un premier échantillon identifié, il s’agit de qualifier les startups rencontrées, afin d’en mesurer le potentiel business pour l’entreprise. Là encore, cette phase nécessite une mobilisation ponctuelle des collaborateurs et des prestataires spécialisées afin qu’ils puissent échanger et sélectionner les start-ups les plus prometteuses. Tout va très vite dans le monde des start-ups, il est par conséquent primordial qu’entre cette sélection et une première expérimentation, il ne se passe que très peu de temps.

Expérimenter : rien ne vaut le concret

La sélection doit répondre à des usages concrets qui devront être testés sur le terrain et en situation réelle, c’est pourquoi une première expérimentation doit bénéficier d’un déploiement du POC qui puisse être analysé grâce à des d’indicateurs fiables. Ses premières expérimentations devront faire l’objet d’une analyse solide car le passage à un partenariat industriel exige la mise en œuvre de moyens autrement plus importants avec un investissement se chiffrant à plusieurs centaines voire millions d’euros pour les plus ambitieuses.

De toutes les façons, l’open-innovation implique une prise de risque.

Seul un processus de qualification abouti avec des analystes internes consolidés par des sociétés spécialisées dans la qualification de start-ups permet d’optimiser, sans jamais le garantir toutefois, le choix d’une start-up au vue de sa situation financière et de sa capacité industrielle.

Time is money, le service des achats

L’argent est le nerf de la guerre et la collaboration start-up/grand groupe est au départ souvent difficile à appréhender selon des critères comptables et le service des achats en a souvent des sueurs froides. Rarement adaptés au monde des start-ups, ses règles sont souvent en porte-à faux avec les nécessités des acteurs innovants. Pour que cela fonctionne mieux, il faut légitimer et créer le cadre de fonctionnement en adéquation avec les nouvelles relations clients fournisseurs.

L’open-innovation est une nécessité pour les entreprises de grande taille en recherche de solutions innovantes capables de les connecter au monde du numérique et aux mutations qu’il véhicule. Changement de culture, amélioration des processus, formation des collaborateurs, sourcing de nouveaux partenaires, financement des développements et analyse des ROI ne demanderont pas moins une mobilisation totale de l’entreprise et ce, à tous les niveaux. C’est à cette condition que la chenille réussira sa mue et devenue papillon pourra prendre son envol.

Source : www.obs-commedia.com/