L’intrapreneuriat : quels bénéfices pour l’entreprise ? par S. Murphy
Intrapreneur Founder of People’s LAB @BNP Paribas- Intrapreneurship Accelerator ✔Inspiration ✔Innovation ✔PositiveChange
Le nombre d’entreprises tentées par cette démarche – qui permet à un salarié d’entreprendre à l’intérieur de son entreprise – est lui, exponentiel. Et c’est tant mieux.
Mais alors comment identifier clairement les bénéfices de l’intrapreneuriat ? Comment le valoriser ? Car pour le développer, il faut d’abord convaincre…
Retour d’expérience de praticiens
Ce premier article fait suite à un atelier que j’ai animé récemment lors de la WildWeekde Wild is the Game (spécialiste du travail collaboratif à impact). Réunis autour de panneaux modulables, des participants issus d’horizons variés et connectés au sujet : acteurs de grandes organisations, startupers, entrepreneurs.
Voici nos feedbacks, enrichis de ce que j’observe dans ma propre pratique. Et de ce que j’écoute…
Pourquoi s’interroger sur l’intrapreneuriat ?
« Riders on the Storm » (The Doors) ♫♫
D’abord car les entreprises y sont poussées par leurs urgences de transformation ! Le dynamisme des startups et des structures plus souples vient mettre sous pression leur capacité et leur vitesse d’innovation. Les usages de leurs clients évoluent vite, aussi. Et la digitalisation de l’économie achève de remettre en question leur fonctionnement habituel : c’est une question de survie, presque, que de trouver de nouveaux moyenspour accélérer une transformation souvent décidée déjà, mais parfois assez lente dans la réalité.
En parallèle, nombre d’entreprises prennent conscience – et parfois abruptement – de leurs besoins de transformation humaine. Pour faire collaborer un grand nombre de générations (X, Y, Z, « S » pour seniors – soyons équitables…). Pour briser les « silos » en renforçant la collaboration transversale, sans s’arrêter aux seuls discours. Et vite.
L’engagement de leurs collaborateurs vacille aussi et la quête de sens comme moteur d’épanouissement au travail est désormais partagée à tous les niveaux de l’organisation. Les managers n’échappent pas à la remise en question, dans leur leadership qu’il leur faut réenchanter. Ce sont des leaders inspirants – et non plus experts – qui sont attendus par des salariés dont la motivation pèse de plus en plus lourd sur les résultats de l’entreprise.
L’intrapreneuriat pour explorer de nouveaux modèles d’affaires
« Space Oddity » (David Bowie) ♫♫
La caractéristique première des intrapreneurs est de chercher à innover. Comme les entrepreneurs, ils ont un rêve, une idée, un projet. Ils voient dans les contraintes des opportunités : certains les qualifient de « problem solvers », d’autres de « dreamers who do ». Ainsi l’intrapreneuriat permet d’élargir les sources d’innovation, au-delà des traditionnels métiers de la R&D, de l’innovation, du marketing. Une chance… et un défi pour l’entreprise, pour connecter ces nouveaux vecteurs aux dispositifs d’innovation déjà existants chez elle.
Il est possible, aussi, d’accorder l’intrapreneuriat selon les priorités stratégiques de l’entreprise. Il devient alors un levier agile puissant pour soutenir son développement. A la condition de laisser suffisamment de place à des propositions originales, tout en les aidant à atterrir dans ce qui est acceptable par l’entreprise (ses activités, ses dirigeants, son fonctionnement, ses actionnaires, etc). Si, si, c’est possible !
Enfin, combien de projets sont engagés mais vivent un développement poussif…? Selon le même principe que le laser, l’intrapreneuriat rassemble et focalise des énergies sur un même point. Il accélère le développement de certains projets et pousse à des arbitrages.
Des collaborateurs engagés et heureux au travail
« We exist » (Arcade Fire) ♫♫
Tous les intrapreneurs le disent : ils vivent une expérience transformante. Car ils doivent réussir à passer de l’idée au concret, dans un cadre qui préexiste, celui de leur entreprise. Sortir du cadre, sans sortir du cadre…tout un défi. Certains diront même un marathon !
Découverte de méthodes inhabituelles, expérimentation et pivots successifs, audace pour faire les premiers pas et s’exposer… Loin d’une formation théorique, l’intrapreneuriat autorise des collaborateurs à explorer ce qui se trouve en dehors de leur zone de confort – donc en dehors de leur zone de routine – et au plus près de leur vision personnelle. En bref, ces « change makers » vivent ce qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’apprendre dans leur cursus, ni dans leur carrière. L’entreprise doit alors apprendre à gérer cette « hybridation » : l’alternance entre les temps de travail « classiques » et les temps de travail « en mode agile ».
« Ils ont des étoiles dans les yeux » assure Olivier Leclerc, co-fondateur des Hacktivateurs (récente et très dynamique association qui rassemble les acteurs bienveillants de transformation). Et en 10 ans d’actions sur le sujet, il en a croisé beaucoup ! En effet, la motivation et l’énergie des intrapreneurs sont d’abord intrinsèques : ce sont leurs aspirations qu’ils souhaitent matérialiser. En effet, intrapreneurs et entrepreneurs, même combat ! Leurs terrains d’action sont différents mais ils partagent autonomie, prise d’initiative et « business ownership » comme qualités. Marge de manœuvre élargie et confiance renforcée comme nécessité. Et le sentiment de se sentir véritablement responsabilisés à la clef…
L’intrapreneuriat peut alors être un important vecteur d’alignement et d’épanouissement personnel. Les DRH s’en réjouiront : rares sont les démarches véritablement créatrices d’engagement. Charge à l’entreprise de les accompagner et de les aider à réguler leur implication. Pour tenir dans la durée, durant les montagnes russes émotionnelles qu’ils vivent, comme tout entrepreneur. Sans oublier de célébrerleurs trajectoire, si ce n’est leur succès…
Grâce à l’intrapreneuriat, faire évoluer toute l’organisation
« Ramble On » (Led Zeppelin) ♫♫
Comment mieux tester et internaliser des méthodes agiles au sein de l’entreprise ? Design Thinking, Lean start-up, Business Model Canvas, pitch, etc. Les intrapreneurs sont prompts à s’inspirer de ce qui fait la réussite des startups et à le viraliser au sein de leur ecosystème. Ils incarnent réellement le concept « d’entreprise apprenante ».
L’intrapreneuriat favorise aussi la détection de talents nouveaux, en dehors des traditionnelles et souvent plus conformistes grilles de leadership. Courage, créativité, résilience et fonctionnement en réseau forment une ADN partagée par les intrapreneurs : certains talents, jusqu’ici inconnus au radar, peuvent ainsi sortir de l’ombre. Une chance, puisqu’il s’agit pour beaucoup des compétences de demain…
Enfin, par nature, un intrapreneur fait avec ce qu’il a, il est « Jugaad », pour citer Navi Radjou ou reprendre le concept d’effectuation de Philippe Silberzahn. C’est dans sa capacité de mobilisation des compétences, des feedbacks ou des contacts des autres qu’il avancera. Il sait focaliser l’attention sur son projet – avant son appartenance à une équipe. Il n’hésitera pas à « passer des frontières » internes pour chercher de l’aide et de l’expertise.
Considérer que chaque collaborateur peut être un porteur de progrès est une (r)évolution pour nombre de grandes entreprises. L’intrapreneuriat entraîne nécessairement des remises en questions, en particulier managériales, puisqu’il marie top-down et bottom-up. Mais une fois celles-ci assumées et accompagnées, il devient un effort récompensé puisque c’est alors l’organisation toute entière qui en tire des bénéfices.
Et c’est heureux : DG, DRH, responsables R&D, responsables Innovation y trouveront une convergence d’intérêts. Ne leur restera alors, à eux aussi, qu’à faire le premier pas pour enclencher le mouvement…