Le mythe de la collaboration banque-fintech par Conix
Popularisée dans le sillage de la crise de 2008 en portant un militantisme « anti-système » déterminé, la FinTech a par la suite mis de l’eau dans son vin. Ces derniers temps, cette évolution tend cependant à susciter des interprétations et des projections à courte vue, qui risquent de dangereusement sous-estimer les défis auxquels doivent faire face les institutions financières traditionnelles.
En parallèle, il est vrai que la FinTech paraît peu menaçante : ses parts de marché restent insignifiantes à l’échelle du secteur et elle atteint rarement une clientèle de masse. L’accès à une large audience potentielle est justement l’un des principaux arguments qui font la force des institutions financières et rendent extrêmement attractive l’option de la collaboration (je reviendrai un jour prochain sur le mythe de l’avantage réglementaire). Alors, la tentation est grande de faire du mariage entre ancien et nouveau monde le seul modèle d’avenir et certains observateurs s’y engouffrent.
L’hypothèse est certainement rassurante mais elle néglige beaucoup trop de facteurs pour être réaliste. Tout d’abord, la scène actuelle est représentative d’une première vague d’innovation, qui doit encore prouver sa valeur. Les startups sont donc souvent contraintes de rechercher l’équilibre économique rapidement, ce pour quoi une démarche de partenariat est une solution évidente. Pour autant, leur ambition à long terme reste fréquemment de voler de leurs propres ailes. Par ailleurs, une deuxième vague (dont font partie beaucoup de néo-banques) vise maintenant directement l’autonomie totale.
Il est même possible d’imaginer un scénario (de l’ordre de la théorie du cygne noir) selon lequel une nouvelle crise financière (probable, en tout état de cause) générerait un redoublement de la défiance vis-à-vis de l’establishment parmi la population. Or, contrairement à ce qui s’est produite en 2008, les solutions alternatives de la FinTech sont aujourd’hui prêtes à répondre à la plupart des besoins des consommateurs, résolvant « automatiquement » leur difficulté à capter un volume critique de clients…
Et puis, il faut également s’attarder sur la capacité des entreprises traditionnelles à coopérer avec des structures avec lesquelles elle n’ont rien en commun. La voie de l’acquisition, notamment, est généralement une illusion sans perspective : exécutée trop tôt, elle a toutes les chances de « tuer » l’impulsion créative, tandis que, attendue trop longtemps, elle deviendra coûteuse (voire inabordable). Même lorsque ces risques sont évités, réussir l’intégration parfaite, qui dégage les bénéfices espérés, est une prouesse réservée aux rares organisations ayant accompli leur mutation « digitale ».
Le constat est identique, dans une large mesure, avec les approches de collaboration. Non seulement les échecs dus aux incompatibilités culturelles entre la flexibilité desstartups et la lourdeur des grands groupes sont nombreux mais, surtout, ceux-ci ne parviennent pas, souvent, à réellement capitaliser sur ces expériences, qui se transforment alors en initiatives isolées sans valeur globale. En outre, il est bon de se rappeler, à ce stade, que d’autres acteurs (géants du web) sont susceptibles d’offrir des opportunités intéressantes en la matière, avec toute l’efficacité requise.
En conclusion, les établissements historiques devraient se méfier de la légende qui voudrait que la FinTech est, pour ainsi dire, à leur service et (pire encore) qu’il leur suffit d’attendre pour profiter des innovations qu’elle engendrera. Rien n’est plus faux. D’une part, certaines jeunes pousses finiront par leur tailler des croupières et s’emparer d’une partie significative de leurs revenus. D’autre part, les modèles de collaboration, qui se développeront aussi, ne donneront de résultats qu’aux acteurs qui s’y seront préparés.