Rapprochements entre grands groupes et start-up: « Peu de vrais succès dans la durée » par A Combelles
Pour beaucoup de grands groupes, la « start-up » est un fantasme, une sorte de paradis perdu de l’esprit d’entreprise, un idéal qui apparaît surtout comme un révélateur de leurs propres lacunes. Après avoir focalisé pendant des années leurs efforts sur l’optimisation des processus et la réduction des coûts pour relever les défis de la mondialisation, les grandes entreprises manquent en effet des capacités pour faire face à ceux de la transformation digitale.
Désormais, les maîtres mots sont l’agilité, la rapidité, l’innovation. Autant de vertus caractéristiques des start-up et dont les grandes structures manquent cruellement. Aussi voit-on dernièrement se multiplier toutes sortes d’initiatives de grands groupes pour se rapprocher de start-up, dans l’espoir de réchauffer leurs vieux os à leur contact.
Au-delà des collaborations ponctuelles dans le cadre d’un projet ou d’une démarche d’innovation « ouverte », on peut relever quatre grandes formes de rapprochement : l’acquisition, l’incubation, l’intrapreneuriat et l’essaimage.
Dans ces quatre cas, qui correspondent à des stades de développement différents, la start-up entre dans l’orbite très proche de son chaperon. Elle intègre ses locaux, profite de ses ressources, bénéficie de son expertise. En échange de cette proximité bienveillante, l’entreprise espère capter la vitalité et la créativité qui lui font défaut.
Pourtant, aucun de ces modèles ne semble s’imposer. Il y a peu d’études concluantes sur le sujet, peu de bonnes pratiques identifiées, peu de vrais succès dans la durée. On ne voit guère de communication sur les succès ou les retombées d’initiatives pourtant fréquemment annoncées en fanfare. Cela ne signifie pas que ces initiatives se soldent par des échecs mais, réussies ou non, elles semblent tout simplement ne plus susciter d’attention particulière, comme si elles s’étaient fondues dans la normalité de l’entreprise. L’exceptionnel est devenu « business as usual ».
Susciter et entretenir la passion
C’est précisément là que se situe l’écueil principal de ces rapprochements : la start-up perd sa spécificité – la passion, le risque, l’indépendance… – à cause d’un environnement inadapté. Et l’association, que l’on imaginait gagnant-gagnant, devient finalement perdant-perdant. Un exemple : la presse s’est fait l’écho de la forte baisse de valeur de PriceMinister, avalé par Rakuten en 2010, ainsi que de la grande indécision des créateurs encore présents quant à leur futur [Le Monde du 18 février].
Définir le modèle idéal de patronage consiste à trouver la bonne distance d’interaction. Ni trop éloignée, pour que l’influence mutuelle demeure. Ni trop proche, pour éviter que la start-up ne dépérisse sous les contraintes ou ne s’assoupisse dans un cocon confortable.
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Il faut parvenir à susciter et entretenir la passion, l’émulation et la prise de risque qui sont le carburant des start-up, quitte, par exemple, à mettre deux équipes en concurrence sur un même sujet. Il faut amortir le choc des cultures en épargnant à la petite structure les lourdeurs de la grande : réunions, reporting, procédures d’achat, de sécurité, de communication, de gestion RH, etc.
Du côté du grand groupe, il faut ouvrir l’œil, changer la mentalité, se défaire de son « arrogance ». Enfin, il faut, dès l’origine, prévoir l’atterrissage, aussi bien en cas de succès que d’échec : quel devenir pour les collaborateurs ? Pour la propriété intellectuelle ? Quel intéressement ? Quelle intégration des produits et des services ? Non seulement ce seront inévitablement des questions àrégler, mais aussi des points qui, laissés dans le doute, peuvent s’avérer démobilisateurs, voire anxiogènes.
L’entreprise ne doit jamais oublier que les qualités qu’elle recherche dans une start-up ne sont pas inhérentes à son statut mais aux talents qui la composent et à la « niaque » de ses fondateurs. Les étouffer ou les brider dans une étreinte trop contraignante, c’est donner à coup sûr à la pépite naissante le baiser de la mort.
Annie Combelles (Présidente fondatrice du cabinet de conseil Inspearit)